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Plateforme collaborative d’éducation aux images

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Dispositif École et cinéma
Dispositif Passeurs d’images

Le studio Image et Mouvement

Au sein de la Structure d’Accompagnement à la sortie de la prison des Baumettes se trouve une salle de cinéma de 50 places, située dans le Studio Image et Mouvement. Ce lieu s’appuie sur le réseau audiovisuel du territoire, pour activer une transmission du cinéma à destination d’un public mixte dedans - dehors.

Au cours de cette séance, animée par Pierre Poncelet, une présentation de ce lieu et une expérimentation de ce dispositif de mixité ont été proposées, à travers une présentation du travail du cinéaste franco-mauritanien Med Hondo. Cinéaste rebelle et précurseur, il fit entendre sa voix anticoloniale à une époque où les acteurs noirs n’existaient pas dans le cinéma français. Surtout connu pour son travail de doublage (il fut la voix française d’Eddy Murphy), c’est le cinéaste qui a été découvert par les participant.es à travers son court-métrage Mes voisins (1973), présenté par Annabelle Aventurin, chargée de la conservation et de la diffusion des films de Med Hondo à Ciné-Archives, et Charlotte Deweerdt, programmatrice pour l’association AFLAM. 

Retour par Annabelle Aventurin, Pierre Poncelet et Charlotte Deweerdt.

L’idée de cette séance, était d’amener les participants à réfléchir et à s’interroger sur ce qu’ils attendent d’une expérience de mixité des publics dedans-dehors, précisément dans ce lieu, le « studio Image et Mouvement », situé à l’intérieur de la structure d’accompagnement à la sortie du centre pénitentiaire des Baumettes à Marseille. Pour parler de mixité des publics il était important de s’appuyer sur une expérience concrète. 

En cela, la proposition liée au cinéaste Med Hondo fut pertinente, car elle a permis d’impliquer les différents publics présents (personnes détenues et participants de Passeurs d’images) d’une manière horizontale. L’accompagnement précis et documenté d’Annabelle Aventurin, chargée de la conservation et de la diffusion des films de Med Hondo au sein de l’association Ciné- Archives, associé au partage de Charlotte Deweerdt, chargée de médiation et de programmation au sein d’Aflam ont créé une belle complémentarité. Ce temps fut d’abord amené par Pierre Poncelet qui a contextualisé l’espace du studio Image et Mouvement dans sa dynamique de formation professionnelle et surtout culturelle (puisque c’était celle-ci qui nous réunissait ce jour-là).

Passeur de mémoire, cinéaste engagé dans son époque, Med Hondo ouvre des nouvelles perspectives pour que la mixité existe au cinéma, et dans les salles de cinéma. Son parcours exemplaire, la force de ses sujets et son engagement en faveur de l’intégration des africains et populations issues des diasporas africaines dans l’industrie du cinéma et la représentation de la diversité à l’écran sont autant de pistes qu’il nous a semblé intéressant de présenter à l’audience. 

Le parcours de Med Hondo a été présenté par Annabelle en introduction : Né en 1936 en Mauritanie, descendant d’une famille d’esclaves affranchis, Med Hondo arrive à Marseille en 1958. Là commencent une carrière polyvalente, une prise de conscience politique et le développement d’une passion pour l’art dramatique et le cinéma. Récompensé et présenté dans des festivals internationaux de cinéma, il a réalisé au cours de ses 50 ans de carrière, 3 courts métrages et 9 longs-métrages. Explorant les thèmes de la colonisation, de la traite négrière, et du racisme dans la société française, ses films sont autant de réquisitoires contre les formes d’oppression subies. Charlotte a ensuite expliqué la démarche d’Aflam pour faire connaitre le cinéma de Med Hondo auprès des jeunes publics (lors d’un hommage récent ici), en s’appuyant sur une ressource spéciale qui se développe en salle de cinéma : l’écoute sonore

Son statut de cinéaste méconnu, associé à la célébrité de son travail de doubleur, font que chacun a pu le découvrir en partant d’une référence commune: sa voix. Pour aller ensuite vers un pan de son travail moins connu, via la diffusion de son court-métrage documentaire « Mes voisins », où des travailleurs africains expatriés parlent de la vie quotidienne et du racisme sur les marchés du travail et du logement à Paris dans les années 1970. Film engagé dans la veine du « cinéma direct » et du « ciné tract ». Avant la projection du film, un temps a été dédié pour faire circuler la parole dans la salle, permettant à chacun de se présenter. 

A la suite de la projection, nous avons tenté de tenir le fil rouge de notre intervention, mais il est clair que cette triangulaire Lieux Fictifs (Pierre) - Aflam (Charlotte) - Ciné-Archives (Annabelle), a pu entraîner une saturation d’informations dans le temps qui nous était imparti, (environ 2h45 en comptant une pause de 10mn). L’idéal aurait été d’étaler tout ce programme sur la journée. Cela nous aurait permis de consacrer la séance du matin à la présentation du travail de Med Hondo, et de réserver l’après-midi à un approfondissement de la séance du matin, et à une réflexion sur les enjeux d’une mixité de publics « dedans-dehors ». 
Or là, nous n’avons pu consacrer à cette réflexion que la dernière demi-heure de notre séance. La discussion sur le film étant particulièrement riche, spontanée et intéressante, il été difficile de l’interrompre pour passer à ce temps de réflexion. Nous avons essayé de mixer les deux, mais cela nous donnait l’impression d’artificialiser l’échange. 

L’ambition de la matinée était d’ouvrir un débat sur un sujet complexe, la mixité dans les publics, à partir d’une expérience elle-même complexe, une salle composée d’un public très hétérogène : en terme de condition (détenus / non détenus), de statut social (milieu modeste versus des cadres, intellectuels), d’âges et d’origines. Nous étions durant le débat d'après film au coeur du sujet, car le public échangeait ensemble, de manière équilibrée, chacun prenant la parole à son endroit, en réagissant de manière pertinente à ce qu’il venait de voir, alliant questionnements et partage d’expérience (notamment sur la question du mal logement). 

Des questions socialement vives ont émergé, autour de la discrimination des Noirs dans le cinéma et des procédés pour y remédier (le choix de casting pour rendre visible les Noirs n’entraine-t-il pas une nouvelle forme de discrimination ? La discrimination des Blancs existe-t-elle ? etc.). Cette discussion a entrainé un vrai débat dans le sens où il était vivant et il a contribué à recomposer les groupes selon des avis exprimés et non pas selon les groupes préexistants (détenus / non détenus). 

En tant qu’intervenants, nous avons eu des ressentis contrastés au sortir de cette séance : une certaine frustration dû au manque de réflexion autour de la question de la mixité, mais aussi une satisfaction par le dynamisme des échanges. Si cette discussion, et plus largement cette séance, semble avoir été appréciée par la majorité des participants, cela tient au bon accompagnement qui a été fait autour du travail de Med Hondo, précisément son film « Mes voisins », fragment d’une oeuvre plus vaste présentée sous la forme d’une bande annonce conçue par Annabelle. 

Cela tient aussi au fait que les membres du public souhaitaient échanger ensemble. C’était l’une des motivations des participants de Passeurs d’Images, et surement aussi des personnes détenues, qui sont souvent intéressées par rencontrer de nouvelles personnes, autres que celles qu’ils sont amenées à côtoyer au quotidien. Il n’existe pas de recette miracle pour réussir à créer des expériences de mixité des publics dedans-dehors idéale, mais certains ingrédients semblent fondamentaux. Concevoir une séance comme une expérience unique, alimentée par une proposition de programmation (« voir ensemble ») et un accompagnement. Plutôt que tourné vers la transmission verticale, cet accompagnement s’approche de la posture du facilitateur qui pose un cadre pour l’échange et laisse les personnes s’en saisir. La co-présence peut alors devenir « faire ensemble », avec ses tâtonnements, ses fragilités et imperfections. Car c’est une séance inédite et unique, cette expérience se révèle à la fois riche et déconcertante. 

Une salle comme le studio Image et Mouvement permet ces expérimentations communes. Par son équipement et les invitations au public extérieur, de nouvelles formes de transmission peuvent être testées comme lors de cette rencontre au-delà d’une simple projection (lecture, écoute sonore, archives, partage d’expérience). En inscrivant cette salle dans un projet de rendez-vous régulier, ouvert à des publics composés de personnes venant d’horizons différents, elle peut devenir un véritable laboratoire de la mixité sociale, tourné vers l’écoute et la rencontre d’autrui. 

INTERVENANT·ES
Annabelle Aventurin

Née à Paris en 1991. 
Après un master en valorisation des patrimoines cinématographiques à Paris VIII Saint Denis, Annabelle Aventurin a d'abord travaillé dans différentes institutions (Arsenal - Institut für Film und Videokunst à Berlin, La Fémis à Paris). Elle a par la suite poursuivi une formation d'archiviste multimédias à l'INA et travaillé pour la télévision française (TF1, France Télévisions). En parallèle, elle co-organise et programme le FLiMM - Festival Libre du Moyen Métrage qui a lieu depuis 5 ans au DOC!, lieu pluridisciplinaire basé dans le 19e arrondissement de Paris dédié à la production artistique ainsi qu'à la diffusion. 
Annabelle Aventurin est actuellement chargée de la conservation et de la diffusion des films de Med Hondo au sein de Ciné-Archives, fonds audiovisuel du PCF et du mouvement ouvrier.

Pierre Poncelet

Après un master en métiers du film documentaire à l’Université d’Aix-Marseille, Pierre Poncelet rejoint il y a 12 ans l’association Lieux Fictifs. Réalisateur intervenant dans les ateliers de formation et de création audiovisuelle au centre pénitentiaire des Baumettes, il s’occupe d’encadrer la réalisation de programmes destinés aux canaux vidéos internes.
Depuis 2019, il est responsable de la programmation de la salle de cinéma du Studio Image en Mouvement et à ce titre a tissé une série de partenariats avec différents acteurs audiovisuels de la région (festivals, exploitants, réalisateurs) afin de développer une dynamique de transmission du cinéma au sein de ce lieu expérimental.

Charlotte Deweerdt

Historienne de formation, titulaire d’un doctorat en sciences sociales et économiques, chercheuse associée à l'IREMAM. Depuis trois ans, elle a rejoint l'équipe de l'association Aflam où elle participe à la programmation des Rencontres internationales de cinéma et s’occupe du département de médiation culturelle. Elle développe des projets à plusieurs échelles, locale et internationale, en articulant programmation cinématographique, écriture et animation d’ateliers. Elle participe actuellement à la création d'une plateforme professionnelle euro-méditerranéenne autour des pratiques de médiation culturelle, comme un espace de ressources et d’expérimentation.