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Plateforme collaborative d’éducation aux images

Hors Cadre

Hors Cadre est une association de développement culturel. Fondée en 1997, elle se donne pour objectif de mener des actions visant la démocratisation de la culture notamment par l’éducation à l’image, en direction des publics éloignés de l’offre culturelle. Elle est soutenue par l’Etat, la région Hauts-de-France et les départements. Elle bénéficie d’une expertise reconnue sur les questions de pratiques culturelles intégrant la participation des publics et travaille autour des thématiques patrimoine / jeunesse / éducation / citoyenneté / interculturalité / environnement / insertion…Elle offre, dans toute la région, un certain nombre de services aux publics et aux porteurs de projets : élaboration de projets, ateliers de pratique artistique, interventions, projections, événementiel, stages, conférences…

NICOLAS HUGUENIN : Directeur de Hors Cadre

Quel est votre état d’esprit après cette période de confinement ?

J’ai apprécié cette période de confinement qui fut un temps dans le temps. Un moment qui a permis à l’intellect de se projeter dans des projets à revisiter et cela a été très stimulant. Professionnellement, nous avons été pris au piège par le coronavirus. Pourtant, je l’ai pris comme une problématique qui n’est pas nouvelle à travailler : comment, dans ce contexte, pouvons-nous continuer à faire société ?

Comment nous faisons plus grand que soi ? Le confinement a pu apparaitre comme un événement inquiétant, d’abord car notre activité s’arrête mais aussi parce que nous avons peur de la distance qui pourrait s’installer entre les gens. Mais finalement, le confinement s‘est accompagné d’une décision à prendre : comment travailler vite et comment en profiter pour bien préparer et passer à l’étape d’après ?

Qu’avez-vous fait durant ces deux mois de confinement ?

Nous avons réadapté nos projets, réfléchi à l’après. Dès le début du confinement, je me suis dit qu’il fallait absolument que les outils d'actions dont je dispose avec les séances Plein Air puissent servir dès l’été à construire des actions conjointes avec les tiers pour reprendre vie commune dès que possible en offrant cet espace aux créateur dépourvus de moyens et de lieu.

Je participe depuis quelques années aux travaux du CRAC (Collectif Régional Art et Culture Hauts-de-France) engagé dans les réflexions sur les politiques publiques de la culture en Haut-de-France.  Passionnantes visio conférences sur nos métiers, nos structures, pour réfléchir ensemble à l’après. Un partenaire du secteur du livre, a parlé, de cette envie de « dé-confiner les têtes ». Je me suis dit qu’il fallait se servir de cette expression comme d’un slogan comme un label, comme un signal d’alarme : nous pouvons confiner les corps mais nous devons dé-confiner les cerveaux. J’ai alors proposé ce slogan « Dé-confiner les esprits », car nous avons tou.tes une idée sur le sujet. Le CRAC a travaillé cette démarche politique et a réalisé un texte de référence, une charte de bonne conduite revisitant nos métiers et pratiques.  Les filières se sont penchées sur la démarche en identifiant des actions opérationnelles que la DRAC va soutenir en financement. Ce projet « Dé-confinez les esprits » a été mon plus grand dossier du confinement. Au-delà d’un projet, c’est une démarche qui interroge la situation dans laquelle nous sommes et dans laquelle nous allons nous projeter.

Nous sommes déconfiné.es et l’été est arrivé…Quels sont vos projets pour les mois de juillet et août ?

Le déconfinement c'est le difficile passage à la mise au réel de l’hypothèse que nous avions faite pendant le confinement. C'est le moment où nous devons travailler plus, se confronter à des freins auxquels nous n’avions pas pensés pendant le confinement. La première action « dé-confinez les esprits » s'appelle « En voisins ». Il s’agit d’une séance de cinéma en plein air qui aura lieu à Lille, avec le soutien de la ville, sur le parvis de la Maison Folie Wazemmes, le samedi 11 juillet à 22h30. Proposée par les associations Hors Cadre et Colères du présent en partenariat avec les habitants de l’immeuble Métalik, qui servira d'écran de projection tel que l'architecte Jean-Philippe Lebecq l'avait conçu. Cette manifestation est l’occasion de se retrouver devant des courts métrages et un atelier d'écriture mené avec les habitants pour se « dé-confiner les esprits ". Parmi les films projetés lors de cette soirée, il faut signaler le film Ceux qui marchent (25 minutes) documentaire de création réalisé sous la houlette de Thomas Bousquet avec le soutien de "Passeurs d'images" via le programme « Migration(s) », qui met en scène des dialogues menés par de jeunes immigrés mineurs avec d'anciens immigrés de notre région, traditionnelle terre d'accueil.  D'autres courts-métrages sont en cours de programmation en fonction des échanges avec les partenaires et les habitants, comme le film d'animation Neigbourg (8 minutes) du Canadien Norman MacLaren, qui montre la relation de deux voisins, devenant conflictuelle au fur et à mesure de leur amour grandissant d’une fleur sauvage poussant à la jonction de leurs deux propriétés.

« Dé-confinez les esprits » s'inscrira aussi dans le cadre du dispositif « Passeurs d’images ».  Dès le mois d’août et jusqu'en Octobre des chèques cinémas seront diffusés aux populations des quartiers pour soutenir les réouvertures des salles de cinéma. Cette politique tarifaire montée avec les associations De La Suite Dans Les Images et l’Acap – Pôle régional images et soutenue par la DRAC, offrira près de 14 000 chèques ciné à 2 euros destinés aux salles partenaires. L'objectif est, bien sûr, celui du déploiement et du rayonnement, en mobilisant les salles qui ne sont pas encore partenaires du dispositif Passeurs d’images, pour qu'elles s’y inscrivent.

Un mot au sujet de la reprise de votre activité ? 

Un dispositif ne tient que s’il est vivant. Il faut perpétuellement le réinventer, par des défis nouveaux et intéressant. Il faut toujours revisiter ce que nous faisons, penser le cadre et le faire bouger pour stimuler nos réflexions et nos mises en oeuvre. Comme le dit Leos Carax, "il ne faut jamais s'arrêter de chercher au motif qu'on a déjà trouvé quelque chose". C'est l'essentiel de nos démarches de création et de culture. Nous pouvons tou.tes y parvenir !

BRUNO DURIEZ : Chargée d'éducation aux images

Quel est votre état d’esprit après cette période de confinement ?

La France affronte une crise sanitaire sans précédent. Les modes de vies et d’interaction s’en trouvent changés. Le « vivre ensemble », déjà mis à mal depuis plusieurs années dans notre société, risque d’être profondément touché par cet épisode où l’autre représente un « risque », un « danger potentiel ». Il va falloir se réinterroger individuellement et collectivement sur ces notions de vivre ensemble et réinventer de nouveaux schémas.

Passeurs d’Images, par le travail mené auprès des publics, a une carte à jouer dans ces réflexions. Il s’agira, avec les partenaires de terrain, de mesurer les différentes réalités, d’imaginer les réponses possibles à apporter et d’offrir ainsi à ces publics des moyens de réflexion et d’expression adaptés aux enjeux à venir.

Avez-vous pu mener à bien certains projets adaptés au contexte sanitaire ? Si ce n’est pas le cas, comment vous êtes-vous adapté pour pallier cette baisse d’activités ?

Le confinement a été pour Passeurs d’Images un moment très difficile pour la mise en œuvre de projets. De par son ADN et sa philosophie, les projets menés dans le cadre de Passeurs d’Images sont toujours co-construits avec des acteurs de terrain afin de répondre au mieux aux enjeux des territoires. Les protocoles sanitaires empêchant la plupart de ces acteurs de recevoir du public pendant le confinement, peu de projets ont pu être développés. L’enjeu à ce moment-là a donc été surtout de maintenir le lien avec ces différents acteurs de terrain. Face aux incertitudes sur ce que nous allions pouvoir mettre en place dans un avenir plus ou moins proche, nous avons gardé espoir et continué malgré tout à nous projeter et à imaginer des projets comme nous l’avons toujours fait. Cette projection, même hypothétique, a permis au réseau de maintenir un cap et de réagir vite lorsque les mesures sanitaires se sont assouplies.

La fin du confinement est annoncée depuis le 11 mai, quel projet avez-vous eu envie de réaliser en premier ?

Le confinement nous a tou·tes privé pendant des mois de nos libertés. C’est une privation comme nous l'avons rarement connue et qui nous a tou·tes beaucoup affecté. Je pense que les séances de cinéma en plein air représentent un enjeu tout particulier dans la période post-confinement. Il est temps que nous nous réapproprions tou·tes l’espace public, ce lieu devenu « no man’s land » pendant 3 mois et que nous le fassions de façon collective. Il faut désormais rappeler à chacun·e que l’expérience en groupe est souvent plus riche que l’expérience individuelle. Chaque voisin·e représente avant tout une source potentielle de croisement et d’enrichissement intellectuelle et émotionnelle avant d’être un risque sanitaire. Il faut bannir le terme de « distanciation sociale » qui va à l’encontre des enjeux de société. Il faut se relever collectivement de cette épreuve et ne pas reproduire un modèle individualiste d’avant crise. Cela ne sera pas facile, de nombreuses personnes ont peur et certainement à juste titre mais je crois que la crise a aussi amené des élans de solidarité et de générosité qu’il faut continuer à développer et à amplifier.

L’été est arrivé ! Quels sont vos projets pour les mois de juillet et aout ?

L’été de Passeurs d’Images dans les Hauts-de-France, comme certainement partout ailleurs, sera chargé. Après une longue période de crainte et d’incertitude pendant le confinement, les territoires se sont réveillés. Ces derniers ont envie plus que jamais de mettre en place des projets culturels qui font sens, avec leur public, et notamment dans les quartiers prioritaires qui ont particulièrement souffert de ce confinement. De nombreuses séances en plein air seront donc mises en place pour réaffirmer les enjeux du vivre ensemble mais également les ateliers de pratique permettant à des centaines de jeunes de s’exprimer par l’image. Ce sera l’occasion pour eux·elles de revenir s’ils·elles le souhaitent sur ce moment particulier ou au contraire de s’évader vers l’imaginaire. L’été sera aussi l’occasion de mettre l’accent sur la politique tarifaire favorisant le retour au cinéma, à un moment crucial où les salles en ont plus que besoin pour retrouver leur public. Toutes ces actions seront réalisées en tenant compte du respect des protocoles sanitaires afin d ‘assurer la sécurité de tou·tes. L’important est que nous puissions tou·tes ensemble retrouver le chemin vers des projets qui portent des enjeux culturels forts. Passeurs d’images continuera ainsi, comme toujours, à dialoguer avec les publics à l'occasion de l'action « déconfiner les esprits » dès le mois d'août.