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Plateforme collaborative d’éducation aux images

Dispositif École et cinéma

Bonjour de Ozu vu par...

Agnès Chesné, coordinatrice éducation nationale École et cinéma en Essonne. 

Sur l’affiche, deux enfants droits comme des i, nous toisent d’un regard hautain voire méprisant. L’image est rythmée par des verticales et des horizontales qui s’entrecroisent ou se juxtaposent (jusque dans la rayure du pull des enfants). La caméra, placée très bas, filme en légère contre-plongée. Ozu utilise son « plan tatami ». Il place la caméra quasiment à hauteur du sol sur lequel les japonais s’assoient.

Avec cette image, Ozu résume le sujet de son film : une question de point de vue, un rapport d’opposition qu’il traite par une étude méticuleuse des détails de la vie et une construction minutieuse des composantes de l’image.

La musique de « Bonjour » évoque les films de Jacques Tati qui comme Ozu présente des critiques douces-amères de son époque.

L’action se situe dans le japon de l’après-guerre, en pleine mutation culturelle. Les modes de vie des familles tantôt traditionnelles, tantôt occidentalisées s’opposent par leur habitat, leurs vêtements, leurs aspirations. Le village de petites maisons de bois s’oppose aux verticales des tours de béton et les kimono des femmes d’intérieur aux jupes crayons des femmes actives. Un des personnages secondaires, une grand-mère ancienne sage-femme, moderne malgré son âge avancé, porte un pull à col roulé sous son kimono comme un trait d’union entre deux cultures.

Le monde de l’enfance s’oppose au monde des adultes. Les adultes sont coincés dans leurs traditions ou leurs responsabilités. Les enfants veulent vivre dans leur temps, ils veulent accéder au monde moderne et avoir la télé malgré le refus de leurs parents. Ils veulent vivre pleinement leur vie en s’adonnant à leurs jeux préférés comme dans la scène des pets à la fois comique et  triste puisque ce jeu n’est pas toujours sans conséquence. La logorrhée de paroles insignifiantes des adultes s’oppose au mutisme déterminé des enfants qui se moquent de  ces mots qu’ils trouvent inutiles comme « Salut, bonjour, bonsoir, il fait beau, non, oui, c’est vrai, là-bas, quel beau temps, ah bon… ».

« Bonjour » est un film ciselé où rien n’est laissé au hasard, tendre, drôle ou froidement réaliste. Le cheminement que Ozu propose au spectateur est très progressif. Il amène à une prise de conscience de l’importance des petits riens qui font notre quotidien. Mais il soulève aussi des questions plus graves. Ce film continuera longtemps à trotter dans la tête du spectateur sur un petit air de musique légère.