Aller au contenu principal

Plateforme collaborative d’éducation aux images

Dispositif Collège au cinéma
Dispositif École et cinéma
Dispositif Passeurs d’images

Bleu, blanc, rouge. Quand l’art travaille l’école.

Les installations des artistes Arnaud Théval et Florence Lloret réunies dans cette exposition et le regard porté par le philosophe Alain Kerlan sur leurs oeuvres et leurs démarches invitent le visiteur à s’interroger sur ce que peut produire l’art quand il travaille l’école.

Dans ce triptyque, chacun vient agiter à sa manière l’institution scolaire, en interrogeant la condition scolaire et ses enjeux politiques et existentiels.

« En 1999, le plasticien Éric Baudelaire se voyait attribuer le prix Marcel Duchamp, pour son installation Tu peux perdre ton temps, articulée autour d’un long métrage, réalisé en complicité avec... une vingtaine d’élèves d’un collège de Seine-Saint-Denis. En 2004, l’artiste chinois Xu Bing, dans le cadre de Forest Project (2004), luttant contre la déforestation, avait choisi d’aller à la rencontre... d’enfants des écoles, au Kenya. Ces deux faits ne sont en rien de simples épiphénomènes dans l’actualité artistique. Ils marquent tout au contraire un carrefour significatif dans les développements de l’art contemporain : celui où se croisent les chemins de l’art et ceux de l’école, de l’enfance,
de l’éducation. C’est à ce carrefour que prennent place le travail de Florence Lioret et celui d’Arnaud Theval, que se situent les deux installations que réunit, dans les bâtiments de La Friche Belle de Mai, l’exposition Bleu Blanc Rouge. Quand l’art travaille l’école.

Les raisons esthétiques, politiques, éducatives pour lesquelles cette rencontre s’effectue aujourd’hui - au point qu’une histoire ou un panorama de l’art contemporain ne saurait l’ignorer sans faillir - sont diverses et complexes. Comme sont diverses les manières dont les artistes s’y engagent et y engagent leur œuvre et leur démarche.

Celles de Florence Lioret et de Theval ont une perspective commune, même si les chemins empruntés peuvent différer : leur sujet. Il faut entendre ce terme au sens qui est le sien dans le vocabulaire esthétique, en lui conservant sa double signification : ce sur quoi « porte » l’œuvre, ce dont elle « traite », et la manière dont elle le fait, mais aussi ce sujet qu’est l’artiste lui-même engagé dans ce dont il parle.

Ce sujet qu’ont en commun les deux installations que réunit Lieux Fictifs, comment le désigner, le nommer ? La formulation qui s’en approche le plus pourrait être : la condition scolaire. À condition de bien y entendre comment résonne en elle cette autre expression : condition humaine. Oui, il faut parler de condition scolaire comme on parle, par exemple, de condition carcérale, renvoyant à l’assujettissement de l’individu pris dans l’ensemble des dimensions spatiales et temporelles du dispositif, mais aussi à un horizon normatif, celui de l’humanité comme valeur. On s’égarerait toutefois à ne voir là que reprise d’une dénonciation de ce que certains pédagogues appartenant au courant de la pédagogie institutionnelle, comme Fernand Oury, avait nommé en leur temps l’école-caserne. Le regard que portent sur l’école Florence Lioret et Arnaud Theval et leurs façons de l’interroger ne se tiennent pas sur le seul registre sociologique ou institutionnel : ils relèvent aussi d’une dimension existentielle. Les philosophes qui s’intéressent sérieusement à l’éducation s’accordent à faire reposer toute pensée éducative sur un fait, un fait ontologique : l’être humain existe en formation. Le fait de se former est une dimension constitutive de l’existence humaine. Avoir cela en tête conduit à regarder autrement l’institution scolaire, ses élèves et ses maîtres. Chacune des deux installations réunies à la Friche démontre que Florence Lioret comme Arnaud Theval prennent pleinement au sérieux ce fait indissociablement ontologique et institutionnel, et l’interrogent en tant que tel. Ils regardent l’institution scolaire comme cet espace-temps institué ou existent des êtres dans leur condition d’être en formation ».

Alain Kerlan, Philosophe