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Plateforme collaborative d’éducation aux images

Dispositif Collège au cinéma
Dispositif École et cinéma
Dispositif Maternelle au cinéma
Dispositif Passeurs d’images

Atelier 3 (Nouvelle Aquitaine)

Favoriser les expérimentations, la mise en place d’actions innovantes et participer à la réflexion permanente autour de l’éducation aux images

Animé par Virginie Mespoulet et Carol Desmurs
Rapporté par Ferdinando Gizzi

Considérations introductives à caractère général

Notre atelier s’est ouvert sur un certain nombre de considérations introductives à caractère général.

1 ) Innover pour qui ?

Les échanges ont tout d’abord fait ressortir l’idée que la notion de « innovation » fait véritablement partie de l’ADN de Passeurs d’Images. Cela pour deux raisons : d’un côté car, au fil du temps, le public direct de nos actions (soit, les jeunes 12-25 ans, écoliers ou collégiens) change, se renouvelle, et dans ce changement ce public évolue naturellement et inévitablement dans ses pratiques cultuelles, dans les images qu’il consomme et dans le rapport qu’il construit et entretient avec celles-ci. De l’autre côté et dans un même mouvement, les personnes qui mettent en place ces dispositifs (les enseignants, les opérateurs des projets, etc.), se renouvellent également et évoluent dans leur rapport aux images et à la transmission. Ainsi, la question de la participation des jeunes enseignants s’est aussi posée dans le sens où leur rapport à la cinéphilie se déploie différemment que celui des générations précédentes, notamment du fait de la démocratisation du numérique. Au contraire, les dispositifs, définis et cadrés par des chartes et protocoles, se développent toujours autour des mêmes enjeux, objectifs et fonctionnements : les dispositifs peuvent donc en un sens parfois « lasser » cet autre public (le public indirect, intermédiaire), fatiguer ses « yeux » et son « esprit », et cela peut se traduire en une perte d’enthousiasme ou d’élan dans la mise en œuvre des projets ou des dispositifs.

De cette première observation découle qu’il y a deux types ou groupes de personnes (donc deux niveaux) sur lesquels on peut et on doit intervenir pour construire une réelle proposition d’innovation : le public des jeunes et le public des porteurs des projets ou des formateurs.
 

2 ) Deux définitions complémentaires d’ « innovation », avec la salle de cinéma comme point de raccord

La deuxième considération générale est que la définition d’innovation n’est pas univoque : elle change selon qu’on se place du point du vue du temps scolaire ou du hors temps scolaire.

Pour le temps scolaire le mot « innovation » désigne tout ce qui va enrichir les dispositifs existants, l’expérience de la vision de trois films en salle, suivie par un travail pédagogique avec l’enseignant en classe.

Pour le hors temps scolaire, par « innovation » on entend tous les moyens qu’on trouve pour faire en sorte qu’un public jeune fasse une expérience des images dans leur pluralité, et tous les processus qu’on tente de mettre en place pour déployer des actions et ateliers qui prennent en compte et jouent avec les pratiques et les images des publics cibles.

Ces dynamiques, qui vont vers des processus innovants pour les dispositifs, sont le plus souvent pensées pour re-créer du lien avec des publics, tout en essayant de faire en sorte que ces actions puissent les ramener vers une pratique du cinéma (ici entendu à la fois comme forme de représentation, comme objet ayant une certaine histoire, et comme lieu : la salle).

Ces deux définitions d’ « innovation » se donnent comme complémentaires plutôt que dialectiques. Si pour l’une la salle de cinéma est le point de départ, pour l’autre est le point d’arrivée : de toute façon ce lieu qui est la salle - à la fois lieu physique et métaphorique, ou imaginaire - reste centrale et peut se considérer comme un des fondamentaux pour notre réseau dans son ensemble, un espace dans lequel et avec lequel construire toute proposition d’innovation.
 

3 ) Innover est un processus

« Innover », « expérimenter » : ces termes désignent une dynamique, un processus dans la construction d’un projet plutôt que (simplement et seulement) un résultat basé sur l’emploi de nouveaux outils ou nouvelles formes.

Ce processus est souvent lent et peut prendre plusieurs années pour sa réalisation. En effet, il a été rappelé que pour une innovation, il faut souvent commencer en s’adressant à des petits groupes, penser « local », se limiter à un nombre restreint d’actions, ou construire le projet à partir d’un petit catalogue de films. Le « petit », le « peu à peu », le « local », ont donc été reconnues comme des dimensions structurelles pour penser et mette en œuvre l’innovation.

C’est en effet à travers ces dimensions que peut se créer une relation de confiance avec les structures qui vont recevoir et porter ces actions, que l’engouement pour ces innovations peut naître, s’installer et grandir, et ainsi l’innovation prendre de l’ampleur au fil des années et, peut-être, être proposée à niveau nationale et se transformer en « dispositif ».

Le cas de l’expérimentation sur la langue basque a été porté comme exemple de cette dynamique : en effet, commencé comme local ou même ultra-local, ce projet s’est structuré et a grandi au fil des années, et vise aujourd’hui à devenir pilote d’une expérimentation à niveau nationale sur l’éducation aux images et les langues régionales, et se candidate pour co-éditer avec la coordination nationale un guide sur ces questions.

L’innovation est donc à la fois une méthode (lente et prudente) pour mener une action, et une trajectoire, un élan qu’on impulse à notre stratégie pédagogique, un objectif qu’on veut atteindre et qui se construit avec patience et qui va se déployer dans le temps, par « phases ».  

Ainsi, l’innovation peut s’avérer aussi dans la façon avec laquelle on cherche et on construit des nouveaux partenariats, ou dans le fait d’arriver à toucher des nouveaux publics dans des actions déjà existantes ou habituelles, dans l’ambition d’une réelle intergénérationnalité et mélange des publics.

En bref, considérée comme un processus et une méthode, pour notre réseau l’innovation peut signifier non pas nécessairement et toujours « faire quelque chose de nouveau », mais aussi et surtout « renforcer les fondamentaux », les prolonger, les consolider.
 

4 ) Expérimentation rime avec évaluation

Chaque innovation a besoin de démontrer et de défendre ses résultats, l’impact qu’elle a sur ses bénéficiaires : elle doit prouver qu’elle produit des effets, et que ces effets sont positifs.

Ainsi, fournir un bilan (ou même, plusieurs bilans, à différents moments de l’action) n’a pas été reconnu seulement comme un acte dû, pour les coordinations impliquées dans une dynamique d’innovation : ce moment fait partie intégrante du processus et contribue à la construction d’un projet à caractère expérimental. Ce temps d’analyse permet de prendre du recul sur l’action et ses enjeux, tout en modélisant les réussites et les échecs de ce qui a été mis en place, dans un processus réflexif.

Il est cependant nécessaire de trouver une forme stable et fiable pour évaluer et valoriser le qualitatif, pas seulement le quantitatif : c’est-à-dire qu’outre l’analyse quantitative, dont la demande est légitime et qui est plus facile à construire, une analyse qualitative doit être formulée et proposée pour que les bénéfices non-quantifiables (et pourtant essentiels) de l’action ressortent.

Centraliser, visibiliser et éditorialiser pour tout le réseau les actions expérimentales portées localement par les coordinations est un acte fondamental, utile aussi pour la phase d’évaluation, car il permet la circulation des expériences et des savoirs et donne des éléments comparatifs.

Enfin, il a été invoqué le souhait d’impliquer directement les coordinations dans la phase d’analyse, étude et évaluation de l’innovation, en proposant régulièrement des occasions (réelles ou virtuelles) de rencontre, dans l’idée d’instituer un laboratoire de réflexion permanent, à l’échelle nationale.
 

Pistes et propositions concrètes pour l’innovation

Sur la base de ces considérations à caractère général, des propositions concrètes ont été avancées.

Impulser et harmoniser la formation des enseignants

Continuer à former les enseignants et trouver des nouvelles formes et modalités de formation ressort comme un point essentiel.

Surtout, il y a une disparité à combler : dans les académies de certains départements ces formations rentrent dans le temps de travail, et sont considérées et reconnues comme partie intégrante d’une formation continue ; dans d’autres cas, en revanche, ces formations sont proposées sur la base du bénévolat, non valorisées, comme quelque chose que les enseignants acceptent de suivre sur leur temps libre, donc.

La disparité, pour un territoire si étendu comme celui de la Nouvelle Aquitaine, est aussi géographique, avec des formations qui pour certains enseignants sont très éloignées et qui donc demandent plusieurs heures de route.

Ces formations doivent être renforcées pour permettre un accompagnement majeur des enseignants, surtout dans la mise en œuvre d’ateliers pratiques dans la classe : à cet égard, s’appuyer sur une programmation de court-métrages pour créer des passerelles entre les films vus en salle et le travail à faire en classe a été avancé comme une hypothèse viable et, dans les établissements scolaires où elle a été déjà tentée, réussie.

Enfin, la formation des enseignants, elle aussi, doit s’adapter à ce que ceux-ci voient et consomment comme images, suivre leurs pratiques en évolution : en un mot, il faut considérer la culture de ceux qui seront les futurs formateurs de nos projets et dispositifs, les assumer comme « public » en soi, avec ses goûts et ses nouvelles habitudes, et assumer le fait qu’il s’agit, pour la plupart, de « jeunes professeurs ».
 

Travailler pour une implication majeure du personnel de la salle de cinéma

Les animateurs de la salle de cinéma (le personnel technique comme les projectionnistes, les exploitants, les ouvreurs, etc.) peuvent être impliqués comme meneurs d’ateliers/intervenants ou médiateurs.
La question alors se pose de comment former ces figures à ce genre de mission et comment les faire devenir des véritables « médiateurs ».

Si une solution facile peut être repérée dans l’insertion de cartons génériques qui peuvent les aider à introduire ou présenter un film, des fonds pour une vraie formation, en concertation avec les DRAC, doivent être envisagés.

Impliquer plus directement les jeunes dans le choix des films et dans la programmation

Mettre les jeunes « au commande », c’est-à-dire rendre les jeunes acteurs et protagonistes dans la construction des séances, leur laisser une place majeure dans le choix des films, via des ateliers de programmation, pourrait être une modalité ultérieure pour construire l’innovation. Si cela est une pratique déjà connue (si non courante) pour les projets « hors temps scolaire » et les coordinations Passeurs d’images, cela peut être construit aussi pour les dispositifs du temps scolaire : par exemple, en permettant aux jeunes de choisir un 4e film, après les 3 films vus en salle, ou un programme de court-métrages en lien avec ceux-ci ; ou en impliquant directement un groupe d’élèves dans les comités de pilotage, leur demandant de défendre un film pour que celui-ci rentre dans les dispositifs pour les années suivantes.  

Cela demande bien évidemment une certaine souplesse des dispositifs scolaires, outre que des outils et des guides pratiques de programmation que la coordination nationale aura la responsabilité de créer, rassembler, éditorialiser et faire circuler.
 

Ouverture aux nouveaux objets et aux nouvelles pratiques culturelles des jeunes

Les pratiques culturelles et les objets consommés par les jeunes (les séries, les jeux vidéo, les réseaux sociaux comme tik tok, instagram et facebook…) peuvent être utilisés pour la proposition d’actions innovantes (par exemple, ces formes peuvent servir pour des nouveaux projets autour de la « pudeur » ou de « l’image de soi », si on accepte de les considérer comme des nouvelles formes d’écriture de l’intime).

Ces pratiques et objets peuvent être interrogés et utilisés autant pour des ateliers de création (soit, en les appréhendant comme des formes « plastiques » à manipuler, détourner, etc., pour créer des nouveaux objets visuels ou audiovisuels), autant pour des ateliers de « fabrique et éducation du regard », pour apprendre à les regarder comme images et à se positionner devant eux en tant que spectateurs.

De toute façon, il a été fortement rappelé que l’articulation de ces formes avec la salle doit toujours faire en sorte que ces celles-ci servent comme point de départ pour arriver ou revenir au cinéma.
 

Interdisciplinarité

Enfin, l’interdisciplinarité (c’est-à-dire des projets basés sur les rapports entre les médias et les arts) a été reconnue comme un domaine fondamental pour l’innovation. Des partenariats que la coordination nationale pourrait construire avec des institutions œuvrant dans l’un ou plusieurs de ces autres disciplines (la photographie, la danse, la peinture, la littérature, pour ne faire que quelques exemples) ont donc été invoqués comme fortement souhaitables. Appréhender un film par le biais d’une autre discipline, selon une perspective décloisonnée, peut en effet devenir la porte d’entrée pour une véritable approche expérimentale à la question de l’éducation aux images.